Les beaux jours reviennent, les lipsticks en fleurs sont de sorties, les butchs lustrent une dernière fois leur camion et l’ensemble du Gouinistan est en ébullition, pas de doute, c’est aujourd’hui la journée de visibilité lesbienne !
À toutes nos puces qui dégustent les moules ou qui préfèrent les frites, même celles qui aiment les frite-moules, celles qui s’en fichent de ce qu’il y a, tant qu’elles aiment, et celles qui aiment, tant qu’il le faudra. Pour celles qui sont dans le placard, qui y ont le cafard mais qui savent qu’elles s’épanouiront tôt ou tard. Pour celles qui sont tartes mais après tout, avec son chou à la crème, est-ce qu’on n’est pas toujours tarte à la crème ? Pour les gousses vieillissantes et les jeunes qui se sentent goudous, mais aussi celles qui rêvent d’être Amandine Gay, mais qui hésitent à se dire gay. Aussi à vous qui débutez les hormones et aux autres qui composent avec leur progestérone. Et après tout, entre gouines, on s’en fout, tant qu’il y a de la solidarité entre nous et qu’on bat le pavé ensemble pour la PMA pour tou·tes, comme ce dimanche à Paris, et qu’on lutte contre les fachos, comme à Lyon samedi ! Vous avez la flamboyance d’Adèle Haenel, la conviction d’Angela Davis, la prestance de Karine Espineira et tant d’autres icônes, de Monique Wittig à votre voisine ! Autant de portraits de lesbiennes en feu que nous voulons voir irradier jusqu’à nos retrouvailles en 2022 (ou avant, on brûle des encens à la lavande pour ça) ! En attendant, remettez Mécano, réécoutez les albums d’Aloïse Sauvage, affichez vos plus beaux posters d’Hoshi et retrouvez-vous en toute sororité ! Aux environs d’avril 1945, l’ensemble des camps de concentration et d’extermination nazis sont libérés. Les survivant·es qui reviendront chez elleux s’enfermeront dans le mutisme, souvent provoqué par un manque d’écoute. En 1954, une première journée nationale du souvenir de la déportation est mise en place. Les cérémonies se déroulent, les associations d’ancien·nes déporté·es pleurent et honorent les communautés juives, résistantes, politiques, etc. Mais c’est seulement 41 ans plus tard, en 1995, que Jacques Chirac reconnaîtra le rôle actif de la France dans la déportation de ses citoyen·es (comme quoi il n’aura pas dit que des saloperies).
Une parole est tue encore plus longtemps, c’est celle des déporté·es gays et lesbiennes, avec leur triangle rose et leur triangle noir. Dès 1991, les Flamands roses sont la première association LGBT+ à affirmer l’existence de la déportation en France pour motif d’homosexualité. Iels sont présent·es chaque année, mais ont longtemps été tenu·es à l’écart de la cérémonie officielle, avant d’y être intégré·es avec d’autres associations LGBT+. En 1995, le témoignage de Pierre Seel, seul français déporté pour motif d’homosexualité à avoir témoigné, confirmera que leur combat est utile et nécessaire pour que ces femmes et hommes ne soient pas silencié·es à nouveau. En 2021, pour la première fois, une institution officielle consacre une exposition à la déportation des LGBT+ en Europe, au Mémorial de la Shoah à Paris. Nos adelphes regagnent une voix, une visibilité et une dignité. Des initiatives militantes permettent également de réincarner ces destins durant le conflit, tel Queer Code. Nous nous réjouissons que le vœu de mémoire se perpétue, tisse des liens entre notre passé et notre présent et que chacun·e puisse commémorer ces oublié·es de l’Histoire. Nous regrettons hélas que tous les camps n’aient pas été abolis, que ce soit pour homosexualité/transidentité en Tchétchénie, les Ouïghours en Chine et tant d’autres. Nous ne les oublions pas et nous ne les oublierons jamais. |