Nous avons eu avant-hier l’immense horreur d’écouter l’historienne et psychanalyste Elisabeth Roudinesco, invitée par Quotidien à s’exprimer sur les dérives identitaires, donner son avis sur « les dérives de genre » dans nos sociétés.
Dans son discours, Mme Roudinesco n’est pas très originale : ses arguments sont ceux qu’on nous ressert à toutes les sauces et qui ne font que prouver un manque d’éducation aux problématiques LGBTQIA+. Elle mélange allègrement sexe, genre et orientation sexuelle/romantique ; elle invisibilise l’intersexuation ; elle perpétue l’idée fausse que la communauté trans* cherche à abolir le concept de sexe biologique ; elle réduit la transidentité à « un changement de sexe » qui induit obligatoirement des thérapies hormonales lourdes et des opérations, ce qui lui permet ensuite de parler, vous l’attendiez, des enfants qu’il faut protéger. (« Maintenant, on a supprimé la différence anatomique au nom du genre. […] Vous vous sentez tout ce que vous voulez : vous êtes bisexuel·le·s, vous êtes fluide, vous êtes tout ça… mais reste qu’il n’y a pas de troisième sexe. […] Ça a été abandonné, cette idée de faire changer de sexe des enfants prépubères avec des traitements. ») Mais la cerise sur le gâteau, c’est bien ça : « Je trouve qu’il y a un peu une épidémie, aujourd’hui, de transgenres. Il y en a beaucoup trop… ». On notera tout d’abord la délicatesse du terme « épidémie de transgenres » alors que la transidentité n’est en aucun cas une maladie et que nous sommes au beau milieu d’une pandémie bien réelle et meurtrière. Cette rhétorique dangereuse promeut l’idée de la transidentité comme pathologie contagieuse qui détruit les corps et la société – argument favori des féministes transphobes. Et puis ensuite… « beaucoup trop » ? Beaucoup trop de quoi ? De personnes qui se sentent enfin libres d’être elles-mêmes, de s’exprimer comme elles le souhaitent, de revendiquer leur existence, leur légitimité, leurs droits fondamentaux ? Nous sommes attristées et révoltées de voir Mme Roudinesco, figure de l’engagement contre le colonialisme, l’antisémitisme et l’homophobie, tenir un discours aussi réactionnaire, blessant et dangereux. Réactionnaire parce qu’il diffuse une vision éculée et des idées fausses, blessant parce qu’il déshumanise, dangereux parce que la déshumanisation rend légitime la violence et la discrimination. Et toutes ses tentatives de nuancer son propos ne changeront rien au mal qu’elle a fait. « Il ne faut pas les discriminer »: encore heureux, Elisabeth, mais la prochaine fois essaye de suivre tes propres conseils, car la transphobie tue. Cela fait sept ans que Kay s’appelle Kay. Sept ans, l’âge de raison… C’est beaucoup – un peu moins d’un tiers de sa vie. Mais il semblerait que sept ans, aux yeux de l’État français, ce ne soit rien, car Kay se bat depuis 2019 pour obtenir son changement de prénom. Sa démarche lui a été refusée au prétexte que sa demande n’était pas légitime. Sept années de courriers, de factures, de diplômes, de cartes bancaires, d’ami·e·s et de famille utilisant votre nom et vos pronoms, pas légitimes ? Sept années de vie, d’expériences, d’existence, pas légitimes ?
Le cas de Kay n’est malheureusement pas isolé. Notre belle fRance ne manque jamais une occasion de rappeler qu’elle est « le pays des droits de l’Homme* » (*offre soumise à conditions)… mais les droits des femmes et des personnes transgenres, où sont-ils? Ce qui est intolérable, c’est la transphobie d’État, la violence administrative, la discrimination quotidienne qui prive nos concitoyen·ne·s trans* de leurs droits les plus fondamentaux. Le Couvent du Nord des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence joint sa voix à toutes celles qui dénoncent les identités niées, les libertés bafouées des personnes transgenres et non-binaires. Kay – sache que tes petites Sœurs t’admirent, t’aiment et te soutiennent dans ton combat qui est celui de centaines, de milliers de nos adelphes. Ton courage nous rend courageuses, ta lumière nous rend lumineuses, car nous sommes le miroir de nos communautés. |