Au Couvent du Nord, on a cet adage pour nos maquillages : « Dans le doute, rajoute ». Cette fois-ci, on l’appliquera pour notre discours. Promis, ça sera plus réussit que nos maquillages et moins long que la liste des casseroles du Gouvernement !
Leslie Feinberg disait à propos de Stonewall : « Nous ne nous sommes pas battues seulement contre le racisme ou la transphobie mais nous nous sommes battues pour nos vies ! » Vous connaissez la rage de Stonewall, cet événement historique, mais surtout politique, avec sa contre-attaque lancée par Stormé DeLarverie, Marsha P. Johnson et Sylvia Riviera contre les violences policières. Pour les Sœurs de la perpétuelle indulgence, le lancer du premier pavé marque le début du calendrier de notre ordre pauvre, agnostique et dérisoire, de folles radicales. Mais les États-Unis n’ont pas le monopole du pavé dans la gueule. En France, après Mai-68, les transpédégouines se réunissent aussi, avec le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire et les Gouines Rouges. Ensemble, iels défilent dans les cortèges du 1er-Mai, auprès des camarades, avant que les marches des fiertés n’existent. Comme le disait Jean Ferrat : « C’est un joli nom camarade, c’est un joli nom tu sais ». La lutte se poursuit dans les Groupes de libération homosexuels, les Comités d’urgence anti-répression homosexuelle et la pandémie du VIH amène à de nouveaux militantismes, tout aussi radicaux, tout aussi politiques, avec Act Up et vos bien chères Sœurs, entre autres. Les vieilles tantes, goudous et trans d’hier hurlaient : « Prolétaires de tous les pays, caressez-vous ». Aujourd’hui, le collectif Inverti·es nous rappelle que LGBT ce n’est pas uniquement Lesbienne, Bi·e, Gay et Trans, mais aussi Luttes, Grèves, Blocages et Tout brûler. Face à la peste brune, relançons la menace lavande et, plus que jamais, formons un Fion populaire ! Disney nous a montré que faire une suite, c’est rarement une bonne idée, surtout quand le premier volet déçoit. Alors souvenez-vous que nos fiertés, nos luttes, nos acquis et nos personnes sont tout autant incompatibles avec le Rassemblement National et Reconquête que leurs allié·es républicains et macronistes. En 1940, l’extrême-droite nous a persécuté, déporté, tué. Est-ce qu’on ne tenterait pas d’écrire l’histoire différemment au lieu de la répéter ? On a envie d’avoir chaud à nouveau, grâce aux bras de nos amant·es, de nos ami·es et de nos familles, pas à cause de la crainte du fascisme à nos portes. Bénédiction. Soeur 1 : Merci à toustes d’être là pour les 25 ans de la Pride lilloise. Pour cette année 2020, nous vous souhaitons…
Soeur 2 : Mais ma soeur, on devait mettre le discours à jour, non ? Soeur 1 : Ah non, on l’a pas écrit pour rien, maintenant, on rentabilise ! Soeur 2 : Y a eu des trucs depuis : la pandémie, l’explosion de la pauvreté, la mort de Régine… Soeur 1 : Sainte-Pouffe envoie des épreuves… Soeur 2 : les burn-out en cascade, l’élimination du service public, la remise en cause de l’IVG… Soeur 1 : Parfois y’a beaucoup d’épreuves, c’est comme dans Top Chef… Soeur 2 : Tu mets la cornette avant le voile ! Reprenons, nous sommes les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence ! Soeur 1 : un ordre PAUVRE, DÉRISOIRE, et AGNOSTIQUE de folles RA-DI-CALES Soeur 2 : Vous nous voyez dans les prides des villes, Soeur 1 : Celles des campagnes, Soeur 2 : Et même sur l’Internet mondial ! Soeur 1 : Si t’es en galère de matos pour te protéger des infections sexuellement transmissible, Soeur 2 : Que t’as des misères et que tu veux parler, Soeur 1 : Que tu veux gueuler contre le cystème hétéropatriarcapitaliste, Soeur 2 : Viens sous nos cornettes, on sera là pour toi et on luttera ensemble ! Soeur 1 : La révolution est une fête et y’a des bonnes nouvelles ! Soeur 2 : Avec les initiatives militantes, des prides fleurissent partout et nous pouvons montrer nos fiertés hors des grandes villes ! Soeur 1 : Mais, [Nom de l’autre voix], ma soeur [Nom de l’autre voix], ne vois-tu rien venir ? Soeur 2 : Hélas, si, plus de 13 millions de voix pour Marine Le Pen et un second quinquennat de Macron. Soeur 1 : Les copaines, c’est pas la droite, ni son extrême qui nous donne des droits, bien au contraire. Soeur 2 : Pourtant on voit de plus en plus de convaincu·es dans nos communautés. Soeur 1 : Allez, on laisse leurs idées où ils les ont trouvées : la déchetterie. Soeur 2 : Pis n’oublions pas : la pride c’est pas des tenues correctes avec un flocage arc-en-ciel dès que mai pointe le bout de son nez. Soeur 1 : C’est des émeutes menées par des putes, des racisé·es, des trans, des butchs et des pédales en furie contre les violences policières. Soeur 2 : Donc venez en cuir, en puppy, le sein à l’air, la fesse emplumée ou tout habillé·es ! Soeur 1 : L’important est que nous luttions toustes ensemble ! Sans classisme, racisme, âgisme, validisme ou tout autre discrimination en isme ! Soeur 2 : Aujourd’hui, soyons fier·es de tout notre alphabet ! Par les pouvoirs que nous nous sommes conféré.e.s, et par ce que vous le valez bien, nous vous plaçons sous la très haute bienveillance de : Sainte Pouffe, Patronne des Couvents de France Sainte Sapho, Patronne des filles qui aiment les filles Sainte Tapiola, Patronne des garçons qui aiment les garçons Sainte Cyclette, Patronne des biEs Saint Jean d’Arc, Patron des Transgenres Sainte Herculine, Patron des Intersexes, Saint Hole, Patron de nos douleurs Saint Glitter, Patron de nos paillettes Sainte Etyk, Patronne de nos fourrures Sainte Rita, patronne des causes désespérées et donc des hétéros et de nos guides stellaires : nos amis, familles, amantes et héroïnes qui nous regardent depuis le paradisco quelque part au delà de l’arc-en- ciel Alors aimez vous les uns les autres, sous la sainte protection de : Saint Latex, Saint Gel A queux, Saint Fémidon, Sainte Digue Dentaire, Sainte Seringue et Sainte Rouletapaille à usage unique, Saint gant de latex Sainte PREP Et de Sainte Trithérapie. Amen, and a women, and all the others ! Et à la fin, iels meurent.
C’est le sort qui nous a été réservé pendant longtemps dans les cultures LGBT+. Boys don’t cry, Philadelphia & même Kaboom. Nous habitions seul·es avec Maman dans un appartement et si s’aimer d’amour c’est mourir d’aimer, sont mourus d’amour, Sida sidannés. À croire qu’être dramaqueen en puissance était une carrière particulièrement fugace... On en est quand même un peu revenu des fins obligatoirement tristes, même si, comme les paillettes, on n’arrive pas tout à fait à s’en défaire – vécu sororal, croyez-nous ! Pour autant, avec le cinéma de Céline Sciamma, les Coconuts de Kim Petras et Les Portraits détaillés de Lucien Fradin, on a plus de raison de se réjouir, de jouir même, que de pleurer. Mais, ça ne veut pas dire qu’on remet au placard les événements tristes de nos communautés. Les Sœurs ont fait vœu de mémoire car tous nos souvenirs méritent d’être célébrés. Se ressaisir de notre histoire est important pour en être acteur·trice, afin d’agir et de ne pas subir. Act-Up et le film 120BPM nous l’ont montré avec la pandémie du VIH. S’intéresser à notre passé nous permet aussi de mieux comprendre qui nous sommes à présent. Les conférences à venir nous en feront la démonstration ! Aujourd’hui, les cultures LGBT+ sont foisonnantes grâce aux maisons d’éditions spécialisées, à la musique, aux podcasts, aux réseaux sociaux, aux films et plus encore ! Vous pouvez même vous faire graver tout cela sur la peau ! Nous avons la chance et l’honneur de passer quelques heures ensemble. Être ensemble c’est bien sûr partager des centres d'intérêts, une même passion, une même histoire, mais c’est aussi être plus fort.es, lutter contre l’isolement, être visibles, et rejeter la honte. Les cultures LGBT+ nous permettent d’être entendu.e.s, visibles, bref on est là, on existe et on compte bien le montrer. Les Sœurs se réjouissent de ces premières Pridays, qui seront un moment de partage, de joie, de visibilité, de fierté, et nous permettront de rappeler que, définitivement, il n’y a rien à guérir, mais beaucoup à aimer ! Enfin, avant de bénir cette assemblée, nous voulons dire merci et bravo à tou.te.s les bénévoles de Fiertés Lille Pride qui n'ont pas compté leur temps et ont su rebondir face aux restrictions et nous vous donnons rendez-vous dans 4 mois pour la marche des fiertés de Lille. Par les pouvoirs que nous nous sommes conféré.e.s, et par ce que vous le valez bien, nous vous plaçons sous la très haute bienveillance de : Sainte Pouffe, Patronne des Couvents de France Sainte Sapho, Patronne des filles qui aiment les filles Sainte Tapiola, Patronne des garçons qui aiment les garçons Sainte Cyclette, Patronne des biEs Saint Jean d’Arc, Patron des Transgenres Saint Hole, Patron de nos douleurs Saint Glitter, Patron de nos paillettes Sainte Etyk, Patronne de nos fourrures Sainte Rita, patronne des causes désespérées et donc des hétéros et de nos guides stellaires : nos amis, familles, amantes et héroïnes qui nous regardent depuis le paradisco quelque part au delà de l’arc-en- ciel Alors aimez vous les uns les autres, sous la sainte protection de : Saint Latex, Saint Gel A queux, Saint Fémidon, Sainte Digue Dentaire, Sainte Seringue et Sainte Rouletapaille à usage unique, Saint gant de latex Sainte PREP Et de Sainte Trithérapie. Amen, and a women, and all the others ! Comme le disait Dave : « un seul vaccin vous manque et tout est dépeuplé. » Les mois des fiertés ont moins brillé cette année. Nous aurions voulu nous retrouver, mais il faut continuer à se protéger les un·es les autres. Nous ne pouvons de nouveau nous rassembler et maintenir cet événement qui nous est pourtant si cher et qui reste, pour certaines et certains, l’un des rares moments où iels peuvent être elleux-mêmes.
Et ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas nous voir physiquement que nous n’avons rien à dire sur la situation politique et sociale actuelle ! Notre rôle de Sœurs est d’évoquer les personnes qui ne peuvent pas ou plus être parmi nous. Nous n’oublions pas les LGBT+ en Tchétchénie et en Russie qui continuent d’être persécuté·es. Nous n’oublions pas qu’au sein de l’Europe, en Pologne, des zones « sans LGBT+ » se multiplient dans l’indifférence du gouvernement français, plus apte à donner des conseils néocolonialistes au Liban. Nous n’oublions pas la militante LGBT+ égyptienne Sara Hegazy, emprisonnée au Caire pour avoir brandi un drapeau arc-en-ciel durant un concert, et qui a décidé, une fois sa liberté retrouvée, de partir pour le paradisco. Si cette liste était exhaustive, elle serait déjà bien trop longue, mais ce n’est qu’une goutte d’eau. Et puisque la France est généreuse, elle aussi a voulu contribuer à faire déborder le vase. La gestion du covid, on en parle ? Les masques, inutiles quand y en a pas, et obligatoire quand l’Etat en a, sinon, vive l’amende. Le refus d’aider les travailleuses et travailleurs du sexe, parce que c’était « trop compliqué » selon Schiappa. Puis c’était les premiers de corvée qui étaient sur le terrain, c’est-à-dire les smicard.es. Iels ont été applaudi·es durant trois mois, ont reçu des médailles et, comble de la reconnaissance, ont leur effigie en timbre ! Ca compense bien tous les sabordages de l’hôpital public. Le déconfinement, on en parle ? Est-ce que quelqu’un.e a vraiment vu la différence ? Ah si, on peut aller bosser pour relancer le PIB ! Mais la culture, si précieuse pendant le confinement, aujourd’hui agonise. On aimerait trouver une logique, mais entre pouvoir remplir un avion et laisser à moitié vide un théâtre, nous avons du mal à voir la différence en terme de risques. Et tous les divertissements nous sont limités. Sauf Hanouna à la télé ! Et sans transition, on en parle des violences policières ?! Parce qu’elles ne datent pas du confinement, Zied et Bouna, c’était en 2005. Depuis les violences ont continué de manière décomplexée et l’État tente juste de minimiser. À croire que tout le sang des victimes qui éclabousse Castaner et Darmanin ne les ai rendus aveugle. Enfin, c’est surtout qu’ils se sont trouvés un nouveau poney de bataille pour s’occuper : “la lutte anti-drogue” ! Ca fait 50 ans que la loi n’a pas bougé. Pour l’anniversaire, Darmanin a réussi à la rendre encore plus obsolète ! Toujours plus de répression, avec des amendes de 200€ ! Et quand on voit les résultats exhibés par les commissariats sur Internet, on se dit que ce “pognon de dingue” devrait être réorienté vers la légalisation et l’accompagnement des usager·es de drogues. Le Portugal a décriminalisé toutes les drogues en 2000 ! Maintenant, son taux de décès lié aux drogues est 5 fois plus faible que le reste de l’union européenne. Bref, Même si nous occupions tout le planning de la Rainbow Week, nous n’aurions pas le temps de faire le compte de tout le mépris de ce gouvernement, qui fait la promotion de la culture du viol avec Darmanin en premier flic de France et Dupont-Moretti qui est anti-féministe. Les pavés de merde et de conneries que pondent chaque jours ces gens ne font que construire la voie royale à l’extrême droite. Nous le répétons chaque année et de nouveau, il faut que nous nous montrions plus que jamais solidaires les un·es envers les autres. N’acceptons sous aucun prétexte au sein de nos communautés que les idées nauséabondes s’installent et qu’elles soient légitimées ou estimées. Parce que c’est actuellement le cas. Quand Sarkozy fait des associations d’idées racistes entre le mot “singe” et l’ancien titre du roman d’Agatha Christie, personne ne le reprend. Ce n’est ni de “l’humour”, ni une alerte au “on ne peut plus rien dire”. Si c’était vraiment le cas, on n’aurait plus de Zemmour, Bigard ou autre Elisabeth Lévy promeuteur·trice de haine et condamné·es pour ce motif pour certain·es. Sans transition encore, parlons un peu IST et rappelons que grâce au traitement comme prévention ou TASP, le VIH ne se transmet plus ! Pour plus de vigilance, nous vous remémorons l'existence de notre sainte protectrice La PREP qui protège du VIH ! Grâce à cette merveilleuse Sainte, le nombre de contaminations commence à baisser, mais surtout dans les grandes villes parce que, en milieu rural, l’accès aux moyens de préventions reste catastrophique ! Gouine des champs, pédés des montagnes, trans des capitales et bi·es de toute part, continuons de militer pour que l’accès aux soins, à la prévention, ne soit pas qu’une question de taille de ville ! Nous voulions finir ce discours par une note positive. Il y a la baisse de nouveaux cas de VIH grâce à la prep, la baisse de 1€ de la redevance à l’audiovisuel public, Régine est toujours vivante et… Ah mais si, ça va maintenant faire 30 ans que les Soeurs de France répandent leurs paillettes dans toutes nos régions qui ont du talent ! Et Sainte-Pouffe sait qu’on a déversé des camion-bennes de paillettes depuis ! Malgré la crise de la trentaine, nous pensons à toutes ces luttes qui vont nous réunir, à tou·tes ces militant·es qui agissent au quotidien ! N’oubliez pas : vous êtes belle et merveilleuse et si quelqu’un vous dit le contraire, on se lève et on se casse ! On vous aime, et on vous bénit (à distance !) Vos Soeurs de la Perpétuelle Indulgence du Couvent du Nord |